Garder ma poule en bon état de ponte

Je suis une hyperactive du crayon. Je produis en veux-tu en v’la, et j’ai des projets qui me sortent par les oreilles. Dans le tas, il y en a des pas pires, des moins bons et aussi des nuls (si si), mais je vais te dire un truc : le syndrome de la page blanche, connais pas. Par contre, je souffre souvent de l’inverse : trop d’idées, pas assez de temps pour les réaliser toutes. Tu sais quoi? C’est un beau problème, je trouve. J’espère juste que je vivrai trois cent quarante-douze ans, c’est tout.

Je ne sais jamais quoi répondre quand on me demande où et comment je trouve mes idées. Je ne les « trouve » pas, elles arrivent, c’est tout. Les poules pondent des œufs; le travail de la fermière, ce n’est pas de découvrir comment ça fonctionne, un utérus de poule, mais d’offrir à ses pondeuses un environnement propice à la ponte, et d’être là pour recueillir les œufs.

Voici mes petits trucs pour entretenir ma poule intérieure. Ce sont les miens; tout le monde est différent, mais ceux-ci fonctionnent bien pour moi.

Lire tout le temps. Une grande partie de ma journée est consacrée à explorer ce qui se fait ailleurs. C’est agréable, mais c’est aussi essentiel : un chef cuisinier qui ne mange jamais dans les autres restaurants ne s’améliorera pas. On a besoin de l’inspiration des autres aussi pour s’inspirer soi-même. La créativité n’évolue pas en vase clos.

Tout noter. Avant, j’avais un mini-calepin dans mon sac à main où je notais très rapidement toutes les idées qui me passaient par la tête; maintenant, j’utilise le bloc-notes de mon téléphone. Comme mes idées les plus chouettes ont tendance à se pointer à minuit moins quart quand je somnole ou en file pour le guichet automatique, je ne suis jamais prise de court. Une idée notée sur 10 me servira plus tard; je suis toujours contente qu’elle soit répertoriée quelque part.

M’assoir à ma table de travail à heures fixes, tous les jours. Que j’aie un projet en chantier ou non, je m’installe et je bosse régulièrement. C’est un bon moyen de dire à ma poule pondeuse que je suis là, qu’elle peut y aller, shoote, ma grande. Parfois, elle n’est pas au rendez-vous; parfois elle y est, peu importe. Ce qui compte, c’est que si elle décide de se pointer au poulailler, je sois là pour la recevoir.

• Limiter mon accès à Facebook, à mes courriels ou à toute autre source de distraction web. J’utilise un plug-in qui s’appelle WasteNoTime, que j’ai tendance à essayer de contourner de mille et unes façons, mais en gros, ce petit outil me sauve des heures de niaisage. Quand je suis en période de travail, je ferme aussi les alertes courriel de mon téléphone.

• Me bricoler un babillard. Mon mur est recouvert de petits dessins inspirants, d’illustrations de collègues que j’admire, d’affiches, de collages. J’utilise aussi Pinterest pour me créer des tableaux autour de toutes sortes de thèmes : palettes de couleurs, personnages, animaux, paysages, scènes domestiques… chaque matin, je passe quinze ou vingt minutes à me promener dans ces images pour le plaisir. J’y retourne aussi de temps en temps quand je bloque sur un dessin, pour m’inspirer ou me stimuler.

• Me débarrasser des tâches emmerdantes en premier. Ça m’a pris 37 ans à apprendre ça, mais ça en vaut la peine : y’a rien comme un tas de factures à payer sur le coin de la table pour me saper l’inspiration. Une fois mon espace de travail propre et libre, les idées ont plus de place pour arriver.

• Bouger. Je cours le matin, avant de commencer à travailler. Ça m’aère le cerveau et ça me décolle les paupières. J’ai aussi une petite appli qui sonne chaque demi-heure pour me botter le derrière et me pousser à bouger un peu : je me lève, je fais le tour du bloc, je fais des étirements pendant trois minutes, puis je me remets au travail. Ça a l’air niaiseux, mais je suis productive plus longtemps quand je fais ça.

• Gribouiller. Parfois, en parlant au téléphone, je dessine sans m’en rendre compte des trucs que je trouve vraiment chouettes après-coup. C’est parce que le gribouillage, c’est un exercice libre et sans pression : ça relaxe. Et ça entretient le plaisir de dessiner.

• Oser faire n’importe quoi. Les jours où la poule refuse de pondre des bons œufs, j’accepte ses œufs moches comme les autres. Des fois, elle pond même pas d’oeuf: elle me fait juste un beau caca. C’est pas grave. Je dessine n’importe quoi, j’essaie d’imiter un autre artiste pour le fun, je me lance des défis gnoufs, je pars sur une balloune et je commence un projet même si je le trouve nul. Ça garde le mécanisme de ponte en action. Si j’ai passé une journée à dessiner des trucs nuls, je ne me tape jamais dessus : mieux vaut ça qu’une journée à ne pas dessiner du tout. Et on ne sait jamais : parfois, une idée moche peut évoluer et devenir un beau projet. Ça n’arrive pas souvent, mais ça arrive.

Voilà, ce sont mes trucs de pondeuse.  Et toi, quels sont les tiens?