J’aime ça, dessiner. Je ne dessine pas parfaitement; je ne réussis pas toujours ce que je veux faire, et des fois, je regarde mon dessin et je me dis : « c’est de la crotte. »
Mais c’est pas grave : j’aime ça, dessiner, bon! Je trippe, quand je dessine.
Et comme j’aimerais que mes enfants trippent aussi, je réfléchis beaucoup à ma façon de leur communiquer ma passion. J’ai deux filles très « artistes » qui ont tendance à douter beaucoup. Des tempéraments anxieux, comme leur maman. Les rendre confiantes par rapport à leur art, c’est pas du gâteau.
Mes filles produisent environ 3245 dessins par semaine. Les dessins envahissent la maison, les sacs à dos, les murs de leur chambre, mon bureau, et si je ne fais pas attention, ils tapisseront bientôt les parois de la litière à chats et l’intérieur du compartiment à fromages du frigo. On croirait qu’elles sécrètent des dessins par les pores de leur peau, comme les dromadaires (tu savais pas que les dromadaires sécrètent des dessins, huh?)
Ça fait que, à force de m’extasier sur leurs œuvres, j’ai 1) développé des crampes aux mâchoires et 2) découvert que la formulation de mes commentaires avait tout un impact sur leur confiance en elles.
En gros, j’ai découvert que pour mes filles, «Il est beau, ton dessin» ou «Tu as du talent» étaient des commentaires anxiogènes. Comme si elles avaient peur de perdre de la valeur à mes yeux si elles ratent leur dessin et n’obtiennent pas ma gratification.
Ma plus jeune, qui est particulièrement tête de cochon et drama-queen (comme sa maman), s’est un jour mise à paniquer quand elle trouvait que ses dessins n’étaient « pas beaux ». Elle déchirait ses œuvres, se mettait à pleurer, criait « je suis pas booonne! »
C’est là que j’ai compris que le résultat (i.e. mon approbation) était devenu plus important pour elle que le plaisir de l’activité en elle-même. Elle ne dessinait plus par plaisir, elle dessinait pour plaire. Elle essayait de se conformer au niveau de qualité qu’elle imaginait nécessaire pour conserver mon estime. Et c’est là que j’ai commencé à formuler mes commentaires autrement.
Quand elle vient me montrer ses dessins, maintenant, j’essaie de lui en parler sans utiliser de jugement de valeur. Je ne lui dis plus que ses dessins sont « beaux » ou « bons ». J’essaie plutôt de valoriser le plaisir qu’elle prend à dessiner, les efforts qu’elle déploie, les risques qu’elle prend. Je veux que mon commentaire la ramène à ce qu’elle aime elle-même dans son dessin.
J’ai découvert que les commentaires formulés comme des questions sont particulièrement efficaces pour amener ma fille à parler de son processus, de ce qui la rend fière d’elle-même, de ce qu’elle a envie d’améliorer.
Voici des exemples de ce que je dis à ma plus jeune quand elle me montre ses réalisations. Mon objectif, c’est de lui faire comprendre que ce qui m’intéresse, c’est ce qu’ELLE-MÊME éprouve en dessinant, et non pas le résultat éblouissant de son coup de crayon.
– Il y a tellement de détails dans ce dessin! Tu t’es beaucoup appliquée?
– C’est original, ce soleil mauve! Tu as eu cette idée toute seule?
– Je vois que maintenant tu fais des yeux de manga à tes personnages. Tu aimes ce style?
– Tu riais toute seule en faisant ta Monster High. Tu t’amusais en la dessinant?
– Avant, tu avais du mal à dessiner des mains. Maintenant, tu es capable! Ça te rend fière?
– Qu’est-ce que tu aimes le plus dans ton dessin?
Et mon commentaire préféré, que je sers à toutes les sauces :
– J’aime ça, te regarder dessiner.
On vit dans une société de performance où les résultats et l’opinion des autres ont une importance démesurée. S’il y a un domaine où un enfant de cinq ans devrait être libéré de cette pression de rendement, c’est bien dans la peinture aux doigts, non?