Je suis née à Montréal en 1977 et j’ai commencé à dessiner pas très longtemps après ma naissance. À la maternelle, j’étais populaire parce que j’étais capable de dessiner des princesses avec de longs cheveux en spirale. Ensuite, au secondaire, les filles me demandaient de leur dessiner leur mec idéal dans leur agenda. Je suis devenue très douée pour dessiner des muscles et du poil, ce qui m’a servi plus tard lorsque j’ai illustré mon livre Le Grand Antonio. Par contre, je suis toujours aussi nulle lorsque vient le temps d’utiliser correctement un agenda.
Plus tard, j’ai étudié le design graphique au Cegep et c’est là que j’ai compris que je voulais faire de l’illustration. Après mon premier livre, le Catalogue des Gaspilleurs, j’en ai écrit et illustré une trentaine d’autres. L’un de mes livres, La clé à molette, a remporté le prix du Gouverneur Général dans la catégorie Illustration, et depuis ce temps j’ai une grosse tête et je me vante tout le temps.
J’habite à Montréal avec mes deux filles, mon mari, mes chats et quelques araignées. Je travaille présentement sur divers projets au Québec, au Canada anglais et aux États-Unis. Mes livres sont traduits dans une douzaine de langues. J’espère vivre longtemps pour pouvoir faire encore des tas et des tas de livres parce que j’ai encore des tas et des tas d’idées.
Questions-réponses : ENFANTS
Es-tu riche?
Non, mais je ne suis pas pauvre non plus. Je suis bien.
Où travailles-tu?
J’ai un atelier au-dessus de ma maison. Mon atelier est plein de toutous et de tasses à thé (je bois vraiment beaucoup de thé), et souvent mes chats viennent me rendre visite et en profitent pour marcher sur mon clavier, ce qui donne des trucs comme aèvponwu^4qvènjv.
Qu’est-ce qui t’inspire?
Je suis très curieuse et j’aime observer ce qui se passe autour de moi. Mes enfants, leurs amis, mes voisins, les animaux de ma ruelle, les insectes : tout ça me donne des idées de personnages, de caractères, de personnalités. Je m’intéresse aux gens et aux animaux qui ne sont pas comme les autres. Je suis attirée par tout ce qui est étrange, différent, rigolo.
J’aime aussi beaucoup lire et je lis toutes sortes de choses : des romans, des bandes dessinées, des magazines, des livres pour enfants, des documentaires, et ça aussi, ça me fait explorer de nouveaux univers. Ça me donne aussi des idées pour en inventer moi-même ensuite.
J’ai souvent mes meilleures idées le soir, juste avant de m’endormir. On dirait que mon cerveau se met en mode « rêve » et que toutes les idées les plus bizarres sont permises. C’est bon pour la créativité, mais pas pour le sommeil : il faut souvent que j’allume ma lumière pour noter mes idées…
Comment as-tu commencé à faire ce métier?
J’ai étudié le graphisme à l’école. Le graphisme, c’est une discipline où on essaie de faire passer un message en utilisant des images et du lettrage. Les graphistes font, par exemple, des affiches, des sites web, des livres, des magazines, des publicités… Dans le programme de graphisme, on faisait beaucoup d’illustration, et j’aimais ça.
Quand je suis sortie de l’école, je n’avais pas de clients encore, j’étais une inconnue et une débutante. Alors j’ai rencontré des illustrateurs professionnels qui m’ont dit : « Développe ton style! Les clients aiment embaucher des illustrateurs qui ont des styles bien définis ». Comme je n’avais pas encore de style, j’ai dû travailler là-dessus. Je me suis inventé des clients qui n’existaient pas et j’ai fait des affiches pour eux. Ça me permettait de me pratiquer à dessiner. Pour rendre le travail plus amusant, j’ai inventé des clients rigolos et des produits bizarres qui n’existent pas.
Quand j’ai eu une vingtaine d’affiches, je les ai posées sur le plancher de ma chambre et en les regardant, je me suis dit : « Il me semble que ça ferait un drôle de livre pour enfants ». J’ai donc fait des photocopies de mon livre et j’ai envoyé tout ça à un éditeur, les 400 coups. Puis j’ai attendu, attendu… longtemps! Et un jour, surprise : l’éditrice m’a dit qu’elle adorait mon projet d’affiches drôles, et les 400 coups ont décidé de faire un livre avec! Ce livre, c’est le Catalogue des Gaspilleurs.
J’ai tellement aimé cette expérience que j’ai continué à faire plein de livres après ça. Et vous connaissez la suite…
Comment fais-tu tes dessins?
Au début, je faisais mes illustrations à l’acrylique sur du carton. Puis, plus tard, j’ai commencé à dessiner à l’ordinateur, avec une tablette graphique spéciale. Je dessine directement sur mon écran, dans le logiciel Photoshop.
Je recommence souvent mes dessins. Deux, trois fois, parfois même dix fois! C’est très rare que je réussis ce que je veux accomplir tout de suite. Je fais des erreurs, je recommence, j’efface, je recommence encore… c’est important d’apprendre à accepter de faire des erreurs si on veut devenir bon dans quelque chose.
Comment étais-tu quand tu étais petite?
J’étais très curieuse. J’aimais observer les insectes, la nature. J’adorais les animaux et toutes les bestioles bizarres. Je faisais du bricolage, ou je cherchais des salamandres sous les pierres dans la forêt. J’aimais aussi beaucoup les bandes dessinées et les livres drôles. Je lisais tout le temps!
J’adorais les livres de Roald Dahl. Il écrivait des romans très drôles avec des créatures bizarres, comme des géants répugnants et des sorcières déguisées en femmes normales. Ses méchants étaient vraiment méchants! Et ses enfants étaient vraiment débrouillards.
Les livres de Roald Dahl étaient illustrés par Quentin Blake. J’ai beaucoup d’admiration pour ces deux créateurs.
Quels conseils donnerais-tu à un enfant qui veut devenir illustrateur?
Dessine tout le temps! Dessine tout et n’importe quoi. Regarde tes livres préférés et essaie d’imiter les dessins que tu y vois. Il n’y a pas de mal à imiter, c’est vraiment une très bonne façon d’apprendre! Tu peux même calquer des dessins si tu veux : ça aide à comprendre comment tracer des lignes, comment composer des formes. Les plus grands peintres ont appris en copiant leurs idoles pour commencer. Ne t’inquiète pas, un jour, tu développeras ton style à toi.
N’aie pas peur de faire des erreurs! C’est mon conseil le PLUS IMPORTANT. Accepte de ne pas être parfait dès le début. Tu trouves ton dessin moche? Prend une grande respiration. Essaie de voir ce que tu pourrais améliorer, puis recommence. Et recommence encore.
Garde toujours en tête que même les grands artistes sont parfois insatisfaits de leur travail. C’est normal. Ça ne veut pas dire que tu n’as pas de talent, que tu n’es pas bon en dessin. Ça veut juste dire que tu as envie de t’améliorer encore, et ça, c’est une bonne chose!
Moi, je fais souvent des dessins que je trouve laids. Des fois, je me dis : « je n’y arriverai jamais. Ça ne donnera jamais ce que je veux ». Mais je recommence encore et encore, et au bout d’un moment, je finis par être contente de mon travail. On apprend toute la vie!
J’ai lu quelque part que la clé du succès, ce n’est pas le talent, c’est le nombre d’heures qu’on passe à pratiquer. Alors il faut pratiquer beaucoup, beaucoup. Il n’y a pas de magie dans ce métier! Tous les illustrateurs que je connais sont des gens qui adorent dessiner et qui le font le plus souvent possible. C’est aussi simple que ça. Alors allez, à tes crayons!
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Questions-réponses : ADULTES
Es-tu riche?
Toujours pas.
Acceptes-tu de nouveaux contrats ou des demandes d’illustrations personnalisées?
J’ai énormément de projets en chantier pour le moment et je ne peux donc pas faire d’illustrations personnalisées. J’accepte à l’occasion de nouveaux contrats via mes agentes au Québec et aux États-Unis. Contactez-les ici; seules les offres sérieuses seront considérées.
Fais-tu des visites dans les écoles/les bibliothèques?
J’en ai fait beaucoup par le passé, mais j’ai dû faire le choix d’arrêter temporairement pour me consacrer à mes livres et à ma famille. J’essaie de compenser en étant très présente sur les médias sociaux et en répondant à mon courrier, en particulier celui que m’envoient les enfants. J’en reçois beaucoup, et j’adore ça.
Est-ce que je peux utiliser tes illustrations sur mon blogue/dans un article/dans ma classe?
Oui, si vous ne faites pas de profit en les utilisant et si vous me citez correctement comme l’auteure de ces illustrations.
Quels conseils donnerais-tu à un adulte qui veut devenir illustrateur?
Ça, c’est une très grosse question. J’essaierai d’y répondre en petits morceaux dans mon blogue. Suivez-moi sur Twitter ou sur FB pour être tenu au courant de mes nouveaux articles. Mais si j’avais un seul conseil à vous donner pour le moment, ce serait « joignez une association locale d’illustrateurs, comme Illustration Québec ». Vous y rencontrerez une foule de gens intéressants et y trouverez beaucoup de réponses à vos questions, en plus d’avoir l’occasion de parfois faire le party avec du monde super cool.
J’aimerais aller prendre un café avec toi un de ces quatre pour discuter de mon projet/de mon portfolio/de mes espoirs d’artiste.
Je suis sûre que j’aimerais ça aussi! Mais malheureusement, j’ai tellement de travail que j’ai du mal à voir mes amis proches et ma famille assez souvent à mon goût. Mais comme j’ai beaucoup de jasette, j’essaie de convertir ça en blabla sur mon blogue ou sur les médias sociaux. J’y suis tellement active que ça vous donnera l’impression d’être assis en face de moi.
Peux-tu illustrer le livre pour enfants que j’ai écrit?
Pour le moment, j’ai une grosse poignée de projets en chantier; je ne serai pas disponible pour illustrer les projets d’autres auteurs pour les trois prochaines années (au moins). Et pour être honnête, je suis beaucoup plus à l’aise quand j’illustre mes propres textes que ceux des autres.
J’ai écrit un livre pour enfants. Je n’ai pas de contacts dans le monde de l’édition. Peux-tu m’aider?
Beaucoup d’auteurs qui débutent n’ont pas de contacts dans le milieu. La meilleure chose à faire, c’est de faire le tour des librairies et de dresser une liste des maisons d’éditions que vous aimez et chez qui vous pourriez imaginer votre livre. Ensuite, visitez le site web de ces maisons d’édition : plusieurs maisons auront une page où ils indiquent à qui envoyer votre manuscrit (s’ils en acceptent de nouveaux). Sinon, vous pouvez les contacter via les médias sociaux ou par courriel et leur demander le nom de la personne à qui vous pouvez l’envoyer.
J’aimerais bien vous donner mes contacts personnels mais ce ne serait pas très respectueux pour mes amis éditeurs qui préfèrent sélectionner eux-mêmes leurs auteurs. Si votre manuscrit est bon, il trouvera son chemin, contact ou pas!
J’ai écrit un manuscrit et j’aimerais trouver un illustrateur connu qui accepte de l’illustrer. Comme ça, j’aurais plus de chances de trouver un éditeur, non?
Pas nécessairement. De façon générale, les éditeurs n’aiment pas trop quand de nouveaux auteurs arrivent en imposant un illustrateur en particulier. Les maisons d’édition ont des directeurs artistiques dont un des rôles est de sélectionner les illustrateurs qui pourraient le mieux mettre en valeur les textes choisis. Ces directeurs artistiques n’ont pas nécessairement les mêmes goûts que vous. Il serait plus simple et moins risqué que vous soumettiez votre manuscrit tel quel.
Peux-tu lire mon manuscrit et me donner tes conseils?
J’aimerais tellement pouvoir aider tous les auteurs en devenir! Mais la réalité, c’est que je reçois énormément de demandes de ce genre, et que si je répondais à tout le monde, ça me prendrait tout mon temps de travail. Et en plus, je suis une très mauvaise critique parce que je déteste faire de la peine et que je ne vous donnerais que des commentaires positifs, ce qui ne vous aiderait pas du tout. Heureusement, il existe des tonnes de groupes de discussion en ligne où les gens partagent leurs projets en échange de critiques constructives.
Peux-tu me donner des conseils de marketing?
Je crois qu’il y a autant de chemins à prendre que d’illustrateurs. C’est une question très complexe! Si j’avais à résumer mes trucs en quelques points, ce serait :
• Suivez vos artistes préférés et prenez des notes. Sur quels médias sociaux sont-ils présents? Où obtiennent-ils le plus d’engagement et d’attention? Quel type de publication leur attire cette attention? À quel type de publication avez-vous le plus envie de réagir, et pourquoi?
• Lisez des blogues à ce sujet. De nombreux illustrateurs ont la générosité de partager leurs trucs marketing avec leurs fans. Un de mes meilleurs exemples est Lisa Congdon, qui donne des ateliers en ligne et qui écrit constamment à ce sujet. Il en existe plein d’autres! Faites vos recherches.
• Expérimentez. Postez toutes sortes de trucs et voyez comment les gens réagissent. Et essayez plusieurs plateformes! Tumblr, Facebook, Instagram, Pinterest… vous ne saurez pas laquelle fonctionne le mieux pour vous tant que vous ne les aurez pas toutes essayées!
• Préparez-vous à passer beaucoup (trop) de temps sur les médias sociaux. Se faire connaître, ça prend de la patience, du temps et de l’énergie. Il n’y a pas de recette magique!
• Faites du réseautage! Baignez dans le milieu. Vous observerez toutes sortes de techniques, ferez des rencontres intéressantes, aurez de nouvelles idées promo.
Ce qui fonctionne pour moi ne fonctionne pas nécessairement pour d’autres, et l’inverse est aussi vrai. Vous devrez trouver votre façon de communiquer avec votre public. N’oubliez pas de vous amuser en chemin!
Je vois que tu fais souvent des illustrations, affiches et macarons pour des bonnes causes. J’ai une cause importante qui a besoin de soutien. Peux-tu faire une illustration pour aider mon groupe/organisation/projet social?
Je reçois ÉNORMÉMENT de demandes d’aide de la part de toutes sortes de causes, de groupes et d’organismes. 99,999% du temps, c’est une cause qui me tient à cœur aussi et que j’aimerais aider. Mais malheureusement, je n’ai que deux mains et 24 heures par jour : il me serait absolument impossible d’aider tout le monde qui me le demande, peu importe l’importance que j’accorde à leur cause. Je dois donc répondre non la plupart du temps.
Les dessins que vous voyez sont des causes personnelles que j’ai choisi d’illustrer pendant mes rares temps libres. Il faut que ça vienne de moi et que je les illustre à ma guise. Je dois prioriser mes projets personnels si je veux garder ma santé mentale : des projets personnels, j’en ai beaucoup!
Si je refuse le vôtre, ce n’est pas parce que je ne trouve pas votre cause importante: c’est juste que j’ai, en plus de ma carrière et de mes propres causes, une famille et des amis à qui je veux aussi consacrer du temps.
Pourquoi fais-tu certains projets en anglais?
La réponse courte: parce que ça me rapporte beaucoup plus que les projets en français, et parce que j’ai besoin de ce revenu pour vivre de mes livres. La réponse longue ici.